Le Couple dans la montagne et la création de la toundra
Un jour, une jeune femme cousait à la porte de sa tente. Son nouveau mari était parti à la chasse au caribou. C’était un guérisseur. Pendant qu’elle cousait, un chasseur passa. Il était jeune et il avait un arc. Il ne devait pas avoir de femme pour lui coudre ses vêtements, car sa chemise n’était pas bien cousue. La jeune femme continua à coudre. Elle aimait ce qu’elle cousait pour son nouveau mari, le guérisseur.
Le jeune chasseur ne la quittait pas des yeux, ce qui effrayait quelque peu la jeune femme. Elle se piqua le doigt avec l'épine et du sang coula. Le chasseur la trouvait jolie et il aimait la chemise qu’elle cousait. Il la voulait, cette chemise.
« Je suis un bon chasseur », dit-il. « J’ai besoin d’une bonne femme. Viens avec moi. »
Lorsqu’elle entendit ces mots, la jeune femme frémit. Elle parcourut le campement des yeux à la recherche de son mari, le guérisseur.
« Un gros félin aux longues dents a traversé la rivière, et ton mari t’a laissée sans secours. Que se passera-t-il si ce félin te visite pendant la nuit? » Il s’assit à ses côtés et lui dit : « J’ai besoin d’une femme, d’une bonne femme. Viens avec moi. Je peux te protéger. »
La femme craignait le félin aux longues dents et n’aimait pas qu’il se balade dans les parages. Elle pensa à son mari. « Mon mari est un grand guérisseur; j’ai peur de partir avec toi. »
Le jeune chasseur prit la chemise que la jeune femme était en train de coudre, se détourna et s’éloigna. La jeune femme se leva et dit : « Même si j’ai peur, je t’accompagnerai quand même. » Le jeune chasseur et la jeune femme s’enfoncèrent ensemble dans la forêt; là où se trouve aujourd’hui la toundra. Ils marchèrent longtemps. Comme la nuit allait bientôt tomber, ils montèrent leur campement dans une grotte. Ils y posèrent des branches d’épinette et firent un lit.
« Nous sommes en sécurité ici », dit le jeune chasseur. La forêt est immense, ton mari ne nous trouvera jamais ici. Ces mots firent frémir la jeune femme qui, recouverte de la chemise, s’endormit rapidement. Pendant ce temps, la chasse du guérisseur fut bonne. Il tua deux caribous et remplit son sac de viande pour l’apporter à sa femme. Il mit des pierres sur les os de caribous et retourna auprès de sa femme. En rentrant chez lui, il entendit des voix. Il appela, mais ne reçut aucune réponse.« Probablement le croassement d’un corbeau », pensa-t-il. Tout en marchant, il s’imaginait sa femme qui chauffait les pierres de la marmite dans le feu.
Quand il arriva au campement, le feu était éteint. Mais où était sa femme? En train de cueillir des baies? Au bord de l’eau? Il plaça sa viande près du foyer et attendit, mais elle ne revint pas. Le guérisseur se précipita alors vers le lieu de cueillette de baies, mais elle ne s’y trouvait pas. Il se précipita ensuite vers la rivière, mais elle ne s’y trouvait pas non plus. Il commença à s’inquiéter. C’est alors qu’il aperçut des empreintes de mocassins. Deux pairs. Une petite, comme celle de sa femme et une autre, plus grande, comme celle d’un homme. Cette découverte le rendit furieux.
Il suivit les traces de pas dans la forêt, mais les perdit; la forêt était trop dense. Il était maintenant fou de rage. Il se souvint alors des voix qu’il avait entendues en rentrant chez lui. Le guérisseur chercha dans tous les sens, mais ne trouva ni sa femme ni l’autre homme. La forêt était tout simplement trop dense.
Le guérisseur, très en colère, dit : « Je les trouverai, même si je dois mettre le feu à la forêt. » Il sortit son silex et mit le feu. Le vent poussa le feu d’un bout à l’autre du pays, de l’ekwe à la baie d’Hudson.
La jeune femme et le jeune chasseur se réveillèrent en toussant, leur grotte remplie de fumée. « Mon mari nous a trouvés, cria la jeune femme. Il va nous tuer. Nous devons partir », dit-elle. Ils coururent jusqu’au bord du lac appelé Tıd e (Grand lac des Esclaves). La fumée avait disparu, mais la femme tomba dans un trou et se blessa au pied. Elle entendit son mari crier. Le jeune chasseur lui attrapa la main et ils coururent ensemble jusqu’au lac Marian (hdaak' Tı).
La femme était fatiguée et avait mal au pied. Elle allait tout abandonner, lorsque le chasseur aperçut une montagne. Ils y coururent et le chasseur déplaça un rocher qui se trouvait sur le côté de la montagne. « Entre », cria-t-il. Le chasseur poussa la jeune femme à l’intérieur, entra après elle et remit le rocher en place.
Le guérisseur s’écria : « Je vous vois! ». Il courut vers le rocher et commença à creuser. Il entendit des voix ailleurs sur la montagne et alla creuser vers elles. Cela se reproduisit plusieurs fois. Chaque fois qu’il soulevait un rocher, il entendait des voix à un autre endroit. Le guérisseur se fatigua. Il était si fatigué que sa colère l’abandonna. Il savait qu’il ne les retrouverait pas, alors il s’écria : « Tant que le monde existera, vous ne pourrez plus jamais sortir de cette montagne. » Puis, il partit à la recherche d’une nouvelle femme avec qui il pourrait chasser le caribou dans la toundra et laissa le couple à l’intérieur de la montagne.
Nous appelons cette montagne e ıı ts'at a, « La montagne sans sortie ». Les guérisseurs tłı̨chǫ peuvent encore entendre des voix à l’intérieur de la montagne.